
La Communauté qui court autours du Mont-Blanc
Pour courir l’UTMB, il faut avant tout le mériter. Même si en 2013, la collecte des points et autres Running stones est beaucoup plus simple pour décrocher le précieux dossard, j’ai cumulé l’Ecotrail de Paris (80km), le Marathon du Mont-Blanc (42km), l’Ulta6000D (110km) et la CCC (98km) les mois précédents. Je suis prêt dans mes jambes et dans ma tête. Je suis avec ma famille !
Chamonix est sous le soleil et sous tension. Évènement mondial oblige. Une balade en ville serait bien agréable, mais à 16h30, il parait que je vais m’élancer pour 170km et 10 000m de dénivelé positif ! Le sms tant attendu vient de s’afficher sur mon téléphone : « Météo idéale. Parcours normal ». Il est temps maintenant de rejoindre la Place de l’Amitié où il n’y a plus un centimètre carré de libre, tant les coureurs de l’impossible et supporters conquis, sont nombreux pour cette cérémonie du départ. Le ciel n’a jamais été aussi bleu, le Mont jamais aussi blanc, et les larmes montent aux yeux de tout le monde quand l’hymne, maintenant culte, résonne et plonge hommes et nature en communion devant la petite église face au géant de roche et de neige immaculée.
Il est 16h30 et Chamonix libère ses gladiateurs qui partent sous les acclamations d’une foule déchainée. Avec ce départ dans l’après-midi ensoleillé et avancé de 2 heures sur les éditions précédentes, l’échauffement se fera donc de jour avant que l’on commence à s’enfoncer dans la première nuit. Après quelques kilomètres, déjà sur le sol, des roadbooks, des gobelets, des coupes vent … autant d’accessoires mal fixés sur les sacs, qui reflètent une préparation incomplète de certains coureurs, n’ayant peut-être pas bien mesuré la dimension de l’épreuve. Il y aura 800 abandons !
Les siestes des 2 journées précédentes vont me permettre de passer cette première partie nocturne sans difficulté bien qu’elle comportait la plus longue ascension du parcours (23km et 1600m D+) suivie de 10km avec 1000m D+, après une courte descente sur Chapieux.
J’atteins le Col de Seignes à 4h30 du matin. Le ciel étoilé et la longue et nette guirlande de lampes frontales serpentant et visible à perte de vue dans la montagne, témoignent d’une météo nocturne aussi belle que celle de la journée. Sans baisser de rythme, je guette le lever de soleil qui va avoir lieu vers 6h30 et offrir un spectacle somptueux.
Je suis en avance sur mes prévisions, j’arrive « frais » chez nos amis italiens de Courmayeur, à tout juste 8h30 du matin. La barrière horaire étant fixée à …11h00. J’ai acquis une bonne marge, reste à la conserver !
Je vais rester 20 minutes dans le gymnase, sans m’assoir, juste le temps de me changer, de boire, et manger mon gâteau énergétique.
Deuxième grosse difficulté de la course, avec cette fois-ci 20km et 1500mD+ pour atteindre Grand Col Ferret, le plus haut col du parcours : 2525m. Grand Col Ferret c’est aussi la fin de l’Italie et le passage en Suisse, dont la descente vers La Fouly va être un peu venteuse. Malgré quelques calories laissées dans la grande ascension, je me lance dans la descente avec une bonne foulée, pratiquant des relais avec un concurrent japonais lui aussi plutôt descendeur.
Mais la période de difficulté, de doute, de solitude (que j’ai aussi planifiée …) approche. J’arrive au gros ravitaillement de Champeix dans la nuit, d’où je vais repartir sous les encouragements de mes proches venus me soutenir dans ce moment de « moins bien ». Mieux vaut tenir que courir, du moins pour quelques kilomètres …
J’arrive à Vallorcine à 7h30 au lieu de 6h00 comme prévu. La différence est notable, mais la barrière horaire fixée à 9h30 reste encore à bonne distance. La nuit fut longue et … hallucinatoire !
Sous un ciel toujours aussi bleu que la veille, le soleil est réchauffant, et je retrouve la forme ainsi que mes prévisions horaires. De La Tête aux vents à La Flégère : 1h, comme l’indique mon roadbook.
Je m’économise sur cette fin de parcours cassante en forêt, avant d’atteindre le dernier kilomètre bitumé. Mon temps de descente théorique sera donc quelque peu rallongé. Et puis le moment magique arrive. Je suis de retour à Chamonix !
La séquence de bonheur que je me visionne depuis le départ et surtout durant les moments les plus critiques pour m’aider à les surmonter, se déroule maintenant vraiment ! Je ne rêve pas ! Si à ce stade de la course, la plupart des traileurs marchent ou trottinent, je libère mes jambes et cours dans la ville, remontant jusqu’à 75 personnes, au milieu d’une foule toujours plus encourageante au passage d’un coureur.
Dernier virage, et ce sont alors 20 mètres d’extase avant de franchir la ligne après 44h00 de course !
Quelle aventure humaine ! Ma chérie et mes deux fils m’accueillent après m’avoir suivi et encouragé tout au long du parcours, de jour comme de nuit. Un soutien très précieux.
Par la suite, j’ai couru et fini toutes les autres courses du Mont-Blanc (OCC 56km, TDS 110km, Trail des Aiguilles rouges 56km, mais aussi le KV, le 10km, l’ETC de 16km, le Cross 23km et le 80km)